Dimanche 31 mars à 10h30 : Radia n°417
Cerebro est le fruit d’une rencontre entre Nathalie Blanc, géographe-poète et SemoNO !LinA/Amaury Bourget, musicien. En 2008/9, ils travaillent et composent une suite de 3 pièces autour de textes écris et lus par Nathalie Blanc.
Acrobatie de science-fiction, ce texte donne envie de s’ébattre dans les limbes d’une réflexion un peu atmosphérique, mais qui, à mieux regarder, tente d’épuiser le détail de ce qui est ici énoncé précisément, c’est-à-dire beaucoup du futur, de notre futur…
Ces pièces sont écrites pour être jouées live, ce que le duo fera notamment à la biennale internationale des poètes en Val de Marne, en 2009.
A l’occasion de la carte blanche offerte par JetFM, le projet est relancé et “mis à jour” en une version qui devient tri-lingue (français, portugais, anglais) et retouchée musicalement.
Nathalie Blanc : géographe-poète : http://nathalieblanc.free.fr
Amaury Bourget/SemoNO !LinA : musicien : http://linfusoire.free.fr/amaury.html
Remerciements : Anne-Laure Lejosne (son, enregistrement), Damien Fourcot, Gilles Bruni, Philippe Brioude (photo).
CEREBRO : Text and translations
1 RUMBLINGS
What do we actually mean by thinking ? Thinking means thinking about what we are, i.e., thinking about what we are first and thinking of the other thereinafter ; the other in terms of love, desperation, etc. Thinking about what we are means knowing that in ones’ innermost self lie attenuating forces that explain thought. Thinking involves first thinking about what we are and then thinking of the other.
What is difficult is having thoughts of oneself or rather knowing that we are thinking…Knowing that we are thinking involves thinking about what we are…and so we go round in circles. But thinking about what we are is not just thinking about yourself : it also involves thinking about the other ; and thus we break out of the circle.
The process may be cumbersome and may amount to nothing but at least our universe has expanded and even if it is art or philosophy, so be it…
So thinking about what we are may amount to a thought about oneself that lashes out at itself…Thinking about what we are in this context means taking oneself seriously. What the body says – what it says in an obstinate manner – and henceforth in a mature manner, provides food for thought…
But if it is pure thought, how do we objectify it ? By turning it into an object ? We must not seek to render it as if each thought is a pure thought ; as if each thought is a body with its own justification. We need to take account of what worlds and possibilities are involved…Thought is this universe of hollow things…It is this mineral reign with its own justification.
Thinking serves no purpose, thought awful Hilda – awful like the wheat crop – even though she had not yet jettisoned what was making her suffer the most, namely hyper-thought…
Hyper-thought occurs when the brain begins to accelerate to the point where it cannot stop ! There are days when hyper-thought drags the thinker along in a deadly manner…He or she is dead. They are dead, all dead.
We shall not see them again…She has no desire to come back. All of this makes her suffer ! She may well say to herself that thinking serves no purpose and – let us be clear ! – all conscious, rehashed thought is a type of suffering.
This is what we would like to eliminate from inside our own heads and no longer see it coming up over the horizon like a dog at which we bark. But this is in vain. Thought remains, both insistent and painful : a tragedy as agonizing as a branding iron. Some of these thoughts concern the world – such as how to leaf through a newspaper at a newsstand – and make us feel better. As if we had expired or been snuffed out.
Français
Penser, qu’est-ce que c’est ? Penser, c’est se penser soi… D’abord, se penser… Puis c’est penser l’autre ; l’autre d’amour, l’autre de désespoir… Penser soi, c’est savoir qu’en son trou gisent les forces de recul expliquant la pensée ; penser, c’est d’abord se penser soi… Puis penser l’autre ! Ce qui est difficile est d’avoir une pensée de soi ou, plutôt, de savoir que l’on pense… Savoir que l’on pense, c’est se penser soi ; et là, on tourne en rond… ; seulement se penser soi, ce n’est pas que penser soi, c’est aussi penser l’autre et, là, on sort du cercle… Peut-être maladroitement, peut-être rien, mais enfin, notre monde s’élargit… Si c’est de l’art, de la philosophie, peu importe… Se penser soi, du coup, c’est éventuellement une pensée desoi qui se bat en brèche… Se penser soi, dans ce contexte, c’est se prendre au sérieux ; ce que le corps dit, ce qu’il dit, obstinément, avec maturité désormais, est matière à réflexion… Seulement, si c’est de la pensée pure, comment l’objectifier ? La rendre « objet » ? Il ne faut pas chercher à le faire : comme toute pensée est pensée pure ; comme toute pensée est un corps s’autorisant de lui-même, il convient de prendre en compte ce qui sont des mondes, autant de possibilités… La pensée est ce règne du creux… La pensée est ce règne minéral s’autorisant de lui même… Il ne sert à rien de réfléchir, pensait l’affreuse Hilda, affreuse comme les blés, alors qu’elle n’avait pas évacué encore ce qui la faisait le plus souffrir, à savoir l’hyper pensée… L’hyper pensée est ce moment où le cerveau se met à accélérer au point de ne plus savoir arrêter ! Il est des jours où cela entraîne son occupant de façon mortelle… Il est mort. Ils sont morts ; tous morts. On ne les reverra plus… Elle ne désire plus y revenir. Tant ça la fait souffrir ! Elle a beau se dire : il ne sert à rien d’y penser, toute pensée, entendons-nous consciente et remâchée, est une souffrance. Ce qu’on souhaiterait abolir dans sa propre tête, ne plus voir venir à l’horizon comme un chien qu’on aboie. Il n’y fait rien. La pensée reste là, insistante, douloureuse : un drame au fer rouge. Certaines de ces pensées concernent le monde : par exemple, comment feuilleter un journal dans un kiosque à papier…
Alors, on se sent mieux. Comme éteint, mouché.
La philosophie est ce qu’elle ne peut se résoudre à faire : c’est tout elle ! Cela voudrait dire préférer un système à un autre. La philosophie est ce qu’elle ne fait pas. Elle ne fait pas de poésie non plus… Ses intentions ne sont pas pures.
Elle fait du langage, car elle pense que le langage peut marquer comme la philosophie et, suppurer comme l’amour (la poésie)… Le langage, en définitive, est ce qui ne se dit pas autrement !
Português
Era-lhe preciso acreditar em milagres, não desesperar, mesmo se nada no quotidiano o convidasse. A vida quotidiana não é um acaso… Ela baloiça-vos determinadamente… Subitamente estão sobre um fio como um pássaro suspenso ! Ela é quem vos detém, agora que partem. A vida quotidiana é uma âncora…Que existe apenas desde o século XIX. É um conceito perfeito. _ Não existe nada para além dele. Vivemos todos os dias como se estivéssemos enclausurados. A prisão é uma só, as barreiras ténues… Este conceito burguês que designa o
abandono de Deus acompanha a vida mais entediante que existe…Morremos de tédio !!!
Para nos desembaraçarmos desta m…, permitam-me a expressão, temos de unir esforços…Mesmo que a lua e a sua expressão, refletida na água, possam criar uma miragem primária ! Para isso, o despreendimento. O despreendimento é a pedra angular da constituição do mundo, da sua aparência. O seu aspecto…dir-se-ia um diamante num mundo cristalino. A fuga de um mundo futuro ! Não sabemos como o mundo evoluirá… Pode muito bem piorar. E assim encontraríamos o carvão. Um amontoado calcinado de boas razões. Mas se evoluir bem, que a sua beleza nos fascine permanentemente…Então, não esqueceremos que o devemos à vida
quotidiana : teríamos aprendido a manter as devidas distâncias !
Français
Il lui fallait croire au miracle, ne pas désespérer, même si rien au quotidien n’y invitait. La vie quotidienne n¹est pas un hazard… Elle vous balance de gré à gré… Soudain vous êtes sur le fil comme un oiseau perché ! Elle est ce qui vous retient, alors que vous partez…
La vie quotidienne est le fil à la patte… Elle n’existe que depuis le 19ème siècle. C’est un concept parfait. Il n’existe rien en dehors de lui. On vit tous les jours comme si on était enfermé. La prison n’est qu’une, les barreaux laches… Ce concept bourgeois qui signifie l’abandon de Dieu va de pair avec la vie la plus emmerdante qui soit… On s’emmerde !!!
Pour se dégager de cette m…, passez-moi l’expression, on devra faire des mains et des pieds… Si tant est que la lune et son expression, reflet sur l’eau, puissent construire un mirage primaire ! Pour ça, se détacher. Le détachement est la clé de voûte de constitution du monde son allure ! Son aspect… On dirait un diamant dans un monde cristallin. L’échappe d’un monde futur ! On ne sait pas comment le monde va aller… Il peut très bien mal tourner. On se retrouverait alors avec du charbon. Un amas calciné de bonnes raisons. Mais s¹il tourne bien, que sa beauté nous fascine durablement… Alors, on n’oubliera pas qu¹on le doit à la vie quotidienne : on aura su prendre nos distances !
2 GARDE -CHAMPÊTRE
L’art, la science :
quelle curieuse manière de penser !
Ne peut-on penser autrement,
comme ce qui suit et ne précède pas ?
L’eau dans le fleuve et
le fleuve dans l’eau…
Doit-on décider à l’avance ?
Savoir ce qu’il en est
avant d’en être ?
Quelque soit le drame,
espérons qu’il n’en sera pas ainsi.
Nul ne peut dire
à l’avance :
espérons seulement !
(…)
Le paysage(le mien, je veux dire
n’est pas sournois, ni invisible.
Il est ce qu’on croit ;
un paysage figuré par l’invisible,
matérialisé par la pensée.
C’est pour cela que je crois,
aux neutrons, autres phénomènes
tous visuels, tous invisibles…
Qu’est-ce que le visible
d’un phénomène invisible ?
Qu’est-ce que le visuel
de ce qu’on ne voit pas ?
Sans doute, l’invisible. L’invisible,
c’est à dire le microscopique,
le rhizomatique, est
le mode de figuration.
C’est pour cela
quand je dis voir, je pense
Penser.
Paysages.
Ce que je reconnais
comme paysages
est la capacité des autres
À se nicher en mon sein.
Beauté des autres et de l’arbre au vent…
Tout ceci rejoint
une méthode d’accomplissement.
Paysages : ce que je reconnais du mien
dans le monde !
Le paysage
Dans ce qu’il a de fameux
Le paysage
dans ce qu’il a
d’achevé
nous guette.
Comme s’il
savait
que nous n’étions pas…
Comme s’il savait.
Seulement,
alors que le buisson de fleurs jaunes va,
alors que nous n’étions pas
La maladie, la fleur bleue
a été réalisée.
Si le brouillard
(Roses aubépinières)
n’était pas,
nous ne serions pas.
C’est dans (et par) le brouillard
que nous sommes.
Cependant,
la somme des êtres ne nous fera pas.
Português
Julgamos poder dizer que as pessoas não têm sombra, querendo afirmar que não têm conhecimento. Muitas das pessoas que conheço assim – com quem me cruzo na rua – admitem
a sua imbecilidade…
No entanto, saber que atualmente muitos franceses, alemães são incapazes de vos perceber não
ajuda em nada. A que se deve a sua imbecilidade ?
Aqui tenho de apelar a toda a gente. Observações como estas não se pronunciam sem uma boa
razão. Eu penso simplesmente que as pessoas não sabem do que estão a falar.
Quando a cólera aumenta e se eleva ao invisível, certamente que não sabemos mais a quem falar ; nós que declarámos ; o olho do cu será a tua bandeira hasteada.
Nesse momento eu vi o meu pai. Estava pálido, pálido por haver falhado, pálido também por ter crescido numa adversidade ponderada.
O guarda-chuva revelação incisiva da minha invisibilidade na terra caminha entre a minha camisa de forças e o que não tem repouso no mundo da arte : precisamente a beleza do mundo.
Assim, quem acredita estar escondido (atrás do seu vidro) não se pode dissimular. As pessoas escondidas, deste modo, não têm sombra !
Français
On croit pouvoir dire que les gens n¹ont pas d¹ombre, voulant signifier qu¹ils n¹ont pas de savoir. Beaucoup de gens que je connais ainsi voire que je croise dans la rue avouent leur imbécillité…Seulement, savoir aujourd¹hui qu¹un grand nombre de français, d’allemands sont incapables de vous comprendre n¹aide pas. À quoi tient leur imbécillité ?
Là je convoque le ban et l¹arrière-ban. Des propos comme ceux-là ne se prononcent pas sans bonne raison ; je crois tout simplement que les gens ne savent pas ce dont ils parlent.
Quand la colère monte et vers l’invisible se dresse, sûrement nous ne savons plus à qui parler ; nous qui avons dit ; l¹orifice principal sera ton drapeau droit.
J’ai vu mon père à ce moment-là ; il était blême, blême d¹avoir fauté, blême aussi sans doute d¹avoir crû en l¹adversité calculée.
Le parapluie relief acéré de mon invisibilité présente sur terre se balade entre mon carcan et ce qui n’a pas de jachère dans le milieu de l’art : à savoir la beauté du monde.
Ainsi, celui qui croit être à l’abri (derrière sa vitre) ne peut se dissimuler.
Les gens à l’abri, comme ça, n’ont pas d¹ombre !
La tristesse
D’inquiétantes étrangetés
Tissées d’herbes
et de parapluies.
Oui : où va le vent…
C’est là le ban : ourra, et citron à la fois !
Citron de citronnier
Citron, quand on sait ! Oh, com
me je voudrais
la dure tâche
d’avoir à engendrer
un champ
qui tienne du réel
et du métaphorique.
Du réel ; car, il faut qu’il
s’incarne…
Par les mots disposés,
leur grâce ;
ils laissent à voir
ce qui affleure…
Par le métaphorique :
point suffisant, voire péremptoire,
le réel est.
De par sa construction,
De par son avènement !
Il faut encore
le donner à voir,
le faire sentir…
La figure est
l’absence et la présence,
l’amour, le non-amour,
le besoin et l’absence de besoin.
Si pointu soit-il
un tel travail
est nécessaire.
3 YOUNG WOMAN WITH A PEARL
Dear God,
One, here is my chin. It is small and rather square. The teeth are healthy-looking and do not mask any imperfections. Dear friend, do not be fooled, this chin does not mask any imperfection. Although it juts out, such apparent determination is not necessarily a bad thing, even for a woman.
The chin does not mask any imperfection. Indeed, what imperfection could be masked by such
a chin ? What imperfection ? Believing oneself too beautiful, or too something else ?
True, we live in a civilisation in which being excess to requirements is problematic. But, on the other hand, the chin is elusive. It shies way and is not beautiful. The character shies away, the forehead is sombre, the woman largely absent.
It is a hidden woman ; her character remains elusive. Moreover, she is not beautiful, her character remains elusive.
Have we ever seen a woman with such a character ? She hides her thoughts and inner restlessness. A woman like that…a woman like this is akin to stagnant water : we don’t know where to stand without getting bogged down and irremediably losing our footing.
Women like this are not beautiful. They are like boggy marshland. Once I even saw secretions trickling down the bosom of one such woman and, while she was not actually slobbering, secretions still trickled down her bosom.
Upon reflection, as God is my witness, a woman like that – like this woman – should have been beautiful ! But she was not beautiful.
A woman like that could be beautiful. A dead bird can also be beautiful.
But with her elusive chin pointing outward, this woman was lost to the cause : the cause of women with positive features.
And this is why, Dear God, I say today that the chin is hugely important : more than a part of the body, more than any temporary facial appendage, it is the very truth of the face that is at stake.
Dear God, I hold no grudge against you but my chin juts out, even though in some ways this may be interpreted as a positive sign of my existence…
Even though in some ways the cloud formations stacked or piled like snow have not managed to turn this into a sign that invalidates any right to existence…
Even though I now realize that this chin has played tricks on me and that sometimes, when I have finished besmirching it, “shitting” on it or removing spermatic traces of my existence from it – egg yolk, for example, or toothpaste (even trapped after the morning exercise that consists in believing that we can be clean and overcome the general disorder – even on such mornings we do not succeed), I always end up making it pay for this certain something for which I am otherwise convinced that it should not have to pay…
What is more tormenting than a chin viewed in a mirror ? This is how I eventually lost myself by continuing to look in the mirror. It is obvious that for many, particularly in this land of France, such a detailed examination stems from an acute form of narcissism.
My predecessors in narcissism claim that understanding the limits of oneself requires the greatest efforts and are most important to know. They are important because (within this design focusing on self-knowledge) this gives rise to a demand for the most complete and naked truth as it requires jettisoning an idea of oneself. This idea of oneself is founded on no more than the frailty that all beings carry within them from the cradle to the grave. Know thyself, a Socratic injunction that never ends for the simple reason that this end is merely the end of a path !
This is among the cruellest of knowledge because accepting oneself like this in the most naked of states is tantamount to never putting on a show when you never know where you are and could only manage to do so by employing enormous efforts of showmanship.
Moreover, if you do not know your own self, who can know you ?
I made the mistake of believing that we could breeze through the world blindly. It is a mistake – I am now certain of this ! – to believe that we can know when we do not see. And we cannot see when we don’t know who we are. I was also mistaken in my vague childhood impression (vague because it was never clarified) that I was able to predict the network of forces that structure the world… When I was a child, I believed that we could easily throw off the cloak of one’s preconceptions comprising the understanding that flew in the face of experience…
But first I had to examine myself.
WOMEN (BIS)
LEMENTON
In this sort of case, the chin is the most noteworthy appendage, the crudest manifestation. We
get to know ourselves by dint of learning to get to know ourselves. Is this not where the work
was required ? She turned around, impassive on the chair… Ill at ease nonetheless ! She had
tried to pare back the appendage in question a few years before but had not been able. Dear
God, she hadn’t been able !
Français
Cher Dieu
Un, voici mon menton. Il est petit, plutôt carré. Les dents sont saines et ne dissimulent aucune imperfection. Cher ami, ne croyez pas, ce menton ne dissimule aucune imperfection. Il est volontaire certes mais, même pour une femme, la volonté n’est pas une mauvaise chose.
Le menton ne dissimule aucune imperfection. Quelle imperfection, d’ailleurs, pourrait dissimuler un tel menton ? Quelle imperfection ? Celle de se croire trop belle, trop quelque chose ?
C’est vrai qu’on est dans une civilisation où si l’on est de trop, c’est déjà trop. Mais, de l’autre côté, le menton fuit. Il fuit, il n’est pas beau. Le caractère est fuyant, le front sombre, la femme peu présente.
C’est une femme dissimulée ; son caractère fuit. De même, elle n’est pas belle, son caractère fuit !
A t-on vu un tel caractère chez une femme ? Elle dissimule des sombres pensées, des agitations souterraines. Une femme comme ça…
Une femme comme celle-ci, c’est de l’eau stagnante : on ne sait pas où mettre les pieds sans s’enfoncer, se perdre irrémédiablement.
Elles ne sont pas belles, les femmes comme ça, de véritables marais poitevins. J’ai même vu une fois des humeurs dégouliner sur la poitrine de celle-ci. Elle ne bavait pas, certes, elle ne bavait pas, mais les humeurs dégoulinaient sur sa poitrine.
Après réflexion, une femme comme ça, comme celle-ci, Dieu m’en est témoin… Aurait du être belle ! Or elle n’était pas belle…
Une femme comme ça peut être belle.
Un oiseau mort aussi, cela peut être beau.
Mais, elle, le menton fuyant en avant, c’était perdu pour la cause. La cause des femmes à versant positif.
C’est pour ça, Cher Dieu, je dis aujourd’hui que le menton, ça compte énormément : plus qu’une partie du corps, plus qu’un appendice ponctuel du visage, c’est la vérité même de celui-ci qui est en cause, Cher Dieu, je ne vous en veux pas, mais le mien est volontaire et, même si à quelque endroit, cela peut être interprété comme un signe positif de mon existence…
Même si à quelque endroit, les nuages formés en tas, en amas de neige n’auraient pas réussi à en faire un signe invalidant tout droit à l’existence…
Même si… Hé bien, je constate, aujourd’hui, que ce menton m’a joué des tours. Et que, parfois, quand j’en ai fini de le barbouiller, de le « conchier » ou de l’arroser de traces spermatiques de mon existence, de jaune d’œuf par exemple, ou de dentifrice (même coincée dans l’exercice matinal qui consiste à croire que l’on puisse être propre et quelque peu parvenir à vaincre la « chienlit » ; hé bien, même ces matins-là, l’on ne réussit pas), je finis toujours par lui faire payer ce quelque chose dont, par ailleurs, je suis convaincue qu’il n’a pas à payer…
Quel tourment qu’un menton vu dans un miroir ? C’est ainsi que je me suis perdue à force de me regarder dans le miroir. C’est bien évident que, pour beaucoup, en particulier dans ce pays français, un tel examen aussi poussé, aussi détaillé relève d’un narcissisme étroit.
Mes prédécesseurs en narcissisme disent que les limites de soi-même sont ce qui demande le plus d’efforts à apprécier et des plus importantes à connaître ! Importantes car, là, (dans ce dessein visant la connaissance de soi-même) surgit l’exigence de vérité totale, la plus cruelle, car elle demande à se séparer d’une idée de soi-même ! Cette idée de soi-même n’a pour fondement que la fragilité que tout être véhicule de sa naissance à sa mort. Connais-toi toi-même, exigence socratique dont on ne voit jamais le bout, pour la bonne raison que ce bout n’est juste que la fin d’un chemin !
Cette connaissance est de la sorte des plus cruelles car s’accepter ainsi, dans sa nudité la plus totale, revient à ne jamais se mettre en scène, là où, pourtant, je ne sais jamais où je suis et que je n’y parviendrais que par des
efforts terribles de mise en scène.
En outre, si tu ne te connais pas, qui va donc te connaître ?
J’ai commis l’erreur de croire qu’on pouvait se trimbaler dans le monde tout en étant aveugle. C’est une erreur, j’en ai maintenant la certitude, de croire que l’on peut savoir quand on ne voit pas. Et l’on ne voit pas quand on ne sait pas qui l’on est. Une autre erreur est l’impression que j’ai eu, enfant, vaguement (puisque ce sentiment ne s’est jamais précisé) de pouvoir prévoir le réseau de forces qui structurent le monde… J’ai cru, comme enfant, que l’on pouvait se débarrasser facilement du voile de ses préconceptions, de l’entendement qui allait à l’encontre de l’expérience…
Mais j’ai d’abord dû m’examiner.
LAFEMME (BIS)
LEMENTON
Le menton est dans cette sorte d’affaire l’appendice le plus notoire. La chose la plus crue. C’est en se connaissant qu’on se connaît.
Le travail était là, n’était-il pas ? Elle se retourne, elle est impassible, sur sa chaise… Mal à l’aise, néanmoins ! Elle a essayé de rogner le susdit appendice quelques années plus tôt, n’y est pas parvenue. Cher Dieu, elle n’a pas réussi !!!
Documents joints
-
Radia 417 - Cerebro (MP3 - 63.3 Mo)
SALON D'ECOUTE
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